Parmi toutes les créatures peuplant notre planète je ne sais dire lesquelles me touchent le plus… Un papillon bleu dans la lumière de Juin ; quelques rares bleuets en bordure d’un champ ; une femelle gorille jouant avec son petit ; un ban de dauphins faisant les clowns devant des caméras ; Marylin dans le film « The Misfits »…
L’Homme est la plus curieuse, la plus fascinante, la plus navrante, et, la plus complexe de tous les êtres vivants. Ce constat prouve de lui-même combien il est fondamental pour l’homme, de s’étonner, de réfléchir et d’apprendre sur lui-même. Nous sommes au bout de la chaîne créatrice. L’homme est à la fois un produit naturel,une somme évolutive et, peut-être, une suite de la Nature et un produit culturel. Il est homo sapiens et être humain. Est-il une suite positive et donc adaptative de la Nature ou bien le résultat d'une mutation hors normes?
Selon la réponse nous serions soit le résultat d'une sélection parfaitement normale dans le cours de l'Evolution, soit nous serions d'une nature différente des autres espèces. Ainsi, tous les degrés évolutifs du vivant, depuis les micro-organismes, en passant par le règne végétal, et jusqu’à l’ensemble des animaux, pour arriver à homo sapiens accompagnant ses propres créations civilisatrices, constitue à mes yeux, une trajectoire, une flèche, jamais interrompue dans sa course depuis 4 à 5 milliards d’années sur Terre, soit, mais 14 milliards depuis le Big-bang. Il me semble, en outre, que le processus d'évolution selon Darwin ne peut qu'être sensé, orienté dans sa cohérence transformatrice de l'Univers dont on ignore la finalité. Peu importe cette inconnue, puisque ce qui nous pose question est : Chercher les réponses pour une meileure harmonisation des rapports entre l'Homme et la Nature et inter-humains.
Il y aurait bien un continuum évolutif jamais rompu depuis la naissance de cet Univers perceptible jusqu'à nos systèmes technologiques les plus complexes. Ceci dit, homo sapiens, "animal pensant et créant" entend bien vivre aussi bien dans sa peau de mammifère qu'en tant que force de transformation, de mutation(?) de la Nature. C'est là que tout se complique et que la condition humaine écartelée par des forces que tout oppose est contrainte de se résigner dans son statut de "cobaye" dans les laboratoires de la transformation de la matière. Laboratoires selectifs sur lesquels il n'a aucun pouvoir, sauf celui de fantasmer et de se convaincre d'une réalité autre, virtuelle, qui est elle, porteuse de sens. Une réalité fantasmée porteuse d'un espoir métaphysique pour faire face à la Réalité objective de l'Univers de matière, strictement chimique, neutre, froide.
Depuis que l'ancêtre homo habilis, par la maîtrise du feu, s'est affranchis de sa condition strictement instinctive, animale, il s'est forgé, dans le corps, une capacité physiologique, émotionnelle, créatrice de magie, de légendes et de mythes. Cette capacité constitue un filtre entre la réalité objective de l'environnement terrestre naturel et l'aventure de l'homme socialisé, de l'être humain. Ce caractère unique dans tout le vivant, ce filtre perceptif, cette conscience magique, portée par le symbole, nous en sommes très fiers, et on la dénomme Culture. Ainsi muni de cet ego, de cette distinction essentielle et fondamentale, l'homme pèse lourd dans la destinée du monde.
Être un humain, c’est donc bien avoir une conscience chargée et configurée par le fantasme interprétatif de sa propre image et de la Nature, une Nature formant l'ensemble de ses ressources et la base de ses élaborations culturelles. Et cette conscience magique fonctionne, simultanément avec l’instinct animal. Et cette imbrication culturelle et naturelle devrait permettre à la première d’observer avec attention la seconde. Se voir et s’observer dans le monde et la Nature en les ressentant comme des forces à unir. Il n'y a pas précisément de frontière étanche entre les deux. Les autres vertébrés ne se posent aucun problème philosophique ou mythologique; ce sont des créatures parfaitement constituées pour survivre par instinct là où elles naissent, si leurs conditions de vie changent trop brutalement elles ne sont plus adaptables et elles disparaissent.
De notre côté nous ne cessons de transformer nos espaces sociétaux ce qui a pour effet de sacrifier les uns, dépassés, au bénéfice des autres, émergents. Je pense en outre, pouvoir affirmer que l'animal est doué d'émotions. Quel est le philosophe qui a dit : "Il y a tant d'émotions et si peu de sentiment chez l'homme" ?
Ceci dit, le moi ne voit donc que ce qui l’arrange, le rassure et l'apaise dans son angoisse existencielle; que ce qui le convainct d'etre substanciel et immortel; c’est bien cela qui fait son charme et son utilité fort précieuse. Sans ce filtre les hommes se seraient depuis longtemps tous elliminés les uns les autres. La partie animale est comme habillée par les fantasmes et les visions de cet ego, lesquelles visions se transcrivent de façon très concrète en savoir technique, scientifique, mathématique, philosophique…Le moi est la source énergétique du processus culturel. Or, ces connaissances sont précisément à l’origine des transformations matérielles et fonctionnelles opérées par homo sapiens, sur les éléments terrestres, via le phénomène civilisateur. En somme la « folie » humaine consiste à reproduire et construire un monde totalement fantasmé, imaginé et perçu en soi comme réalité concrète.
Cette construction d'un monde spécifiquement humain se faisant sur la base et à partir des éléments naturels terrestres et au détriment des autres espèces.
L’être humain est un grand paradoxe adaptatif : son irrationalité débouche sur des élaborations, sur des mathématiques chimiques et physiques d’une justesse et d’une précision remarquables. A ce propos, les questions qui longtemps m’ont hanté : Pourquoi la mythologie (et les fantasmes humains) contribue-t-elle à transformer la réalité objective de la Nature, de la Terre, et tend à remplacer ces dernières par de la technologie, des machines, du verre, de l’acier, du béton… ? Parce que ce qui se passe, sous l'action du comportement humain est un recyclage progressif.
Pourquoi les civilisations sont-elles apparues alors que les cultures tribales, qui fonctionnaient très bien, et qui étaient très écologiques et indolores pour la Nature disparaissent inexorablement ?
Le corps humain est une anatomie conformée par la culture.
Je ne parlerai pas d’inconscient comme d'un objet perceptible, vu que c’est un concept théorique, et non pas un composant biologique particulier de l’organisme. Il est un produit issu de la mythologie de son auteur. Pour moi les clés du mystère humain sont à chercher dans les lois qui régissent la matière. Je pense vraiment que les neurosciences sont (ou seront, à terme) susceptibles d'opérer des changements de niveau de conscience chez l'homme; ce ne sera jamais le cas de la psychologie ou de la psychanalyse. Tout ce qui concerne l’être humain se trouve dans les relations entre sa conscience et son milieu de vie. L’esprit (ou l’âme) ; les idées, les croyances, les émotions ; les sentiments ; les passions ; les facultés intellectuelles…. Chacun de ces éléments a ses correpondances biochimiques, génétiques.... Les capacités à créer. Parce que le moi est une caractéristique du fonctionnement du système nerveux qui est la tour de contrôle du corps tout entier.
Ce qui nous sert de conscience est conditionné par l'environnement culturel et contribue à sa transformation. Dire qu'une individualité est conditionnée par son milieu, son environnement est un lieu commun partiel. Chaque individualité contribue à la transformation de la Nature et de la société, et cette transformation agit comme une contrainte sur tous. Tous les concepts de pensée : la psychanalyse ou le chat de Schrodinger, par exemple, ont leur source dans un imaginaire dont les racines se situent au-delà de celui qui imagine. Leurs racines sont historiques. A vrai dire ce moi que je dénomme Moi Identitaire Mythologique, (MIM) semble relié implicitement à d'autres forces parmi lesquelles se trouve ce qui a provoqué le fameux big bang.
Freud, en tant que chercheur dans l’Autriche du XIX ième siècle, fut un produit culturel efficace. Il est le père de la psychanalyse, comme nous le dicte l'histoire officielle; tout comme Einstein a concentré, au début du 20è s. toute la puissance de l'histoire de la physique. Le concept d’inconscient a l’avantage de traduire un processus énergétique globalement comportemental, à la fois physiologique et moral, le psychisme qui supervise le moi. Le moi c’est de la culture, de l’histoire, de la sociabilité, des codifications et des langages, c’est une comédie sérieuse dont l'outil fonctionnel et expressif est le corps. Comme je l'ai précisé ailleurs, corps et culture sont Un, unis par le moi. Sans environnement cultuel il n'y a que des enfants sauvages, autrement dit, que de l'animal. Cependant tout commence durant la formation embryonnaire, et chaque phénotype consiste en paramétrages héréditaires culturels singuliers formant en quelque sorte un certain type de potentiel adaptatif, relationnel et comportemental formant la base inné de tous les acquis. Cette affirmation n'engage que mon propre moi, bien entendu!
Ce genre d'idée est loin d'être reconnue par les spécialistes. C’est à partir de l’inné culturel à la fois collectif et singulier que les acquis s’organisent et se gèrent. Le potentiel est énorme dans sa variété, et en cela, rien n’ai jamais irrémédiablement écrit dans la destinée d’une femme, d’un homme, même si tel individu est programmé pour répondre de telle façon et plus ou moins efficacement aux problématiques qui se présentent au cours de sa vie. Nous avons tous nos dons, nos facilités innées, ainsi que nos maladresses exigeant de durs apprentissages.
Quelles sont les limites humaines de cette capacité inouïe de transformation, de « recyclage matériel » ? A l’heure actuelle les limites purement physiques sont considérablement élargies par l’instrument technologique en constante et rapide progression. L’homme, finalement, se transforme lui-même en équipant de plus en plus son corps de composants que son moi ingénieux met en…matière. Union du biologique émotionnel, irrationnel, poilu et suant, avec les alliages nanotechnologiques parfaitement usinés, programmés et lisses que l'on insère sous la peau, dans les organes. Depuis 14 milliards d’années l’Univers met en matière ; brasse, mélange, compresse des atomes ; et nous sommes cela. A 99% chimpanzés, nous serons à terme, sans doute, les premières « machines » bio informatiques.
Durant leur longue Histoire les humains se seront aimés, se seront étripés, torturés ; mais aussi aidés, soignés, encouragés ; escroqués ; mentis les uns aux autres et surtout trompés en eux-mêmes. L’humanité aura été un vaste laboratoire évolutif auto sélectif, afin que se concrétise la vérité matérielle de ce monde, une vérité qui suit sa loi et que l’espèce humaine ignore et sert aveuglément. Le moi ne cesse de vibrer, de désirer, il se niche dans ses illusoires mythologies et ses aménagements infinis, tout en se croyant libre. Il est un pantin culturel qui ne connaît que son monde symbolique, ses traditions, sa propre magie, comme ces petites souris de laboratoire qui ne sortent jamais de leur cage et qui parcourent des kms sur des tourniquets faisant du surplace. L'Univers est une immense équation qui tend à se résoudre depuis 14 milliards d'années et l'espèce humaine en est une variable essentielle mais provisoire.
Mon propos n’est pas de présenter des recettes ou des concepts « d’éveil » susceptibles de libérer le moi de sa cage. Désolé pour les sympathisants du bouddhisme, amateurs de yoga ou quêteurs de Tao. Je ne me suis pas affranchi de mes croyances et superstitions occidentales pour retomber dans d’autres traditions, certes non violentes, mais de même fonction compensatrice. Certes, le Tao m'est extrêmement utile, pour réfléchir et tenter de comprendre, mais je ne suis d'aucune religion. Ceci dit je respecte le besoin de s’accrocher à un au-delà de la mort et du réel objectif et lorsque les mythes apaisent, sociabilisent et rendent bons, je ne peux qu’apprécier.
Malheureusement, les fantasmes du moi et de ses croyances tendent à se conformer à des instincts bestiaux diamétralement opposés aux beaux discours, et qui n’ont pour objet que de justifier l’obsession du pouvoir, la haine, la cruauté, la frustration issue d'un besoin de pouvoir, les névroses individuelles et collectives, et l’intolérance. Nous portons tous le lourd bagage culturel et historique, commun à l'histoire hyper-violente de toutes les civilisations : violence plus violence égal barbarie.
Au point de vue organique et psychique le fait d’adorer un dieu est moins efficace que de faire de son corps un temple. Lorsqu’on est individué on est forcément moins utilisable mais aussi plus vulnérable face aux confessions collectives très massifiées. En outre, les croyances mythologiques sont surtout un réflexe naturel ; c’est un comportement social d’imitation, d'auto protection, et non pas le résultat d’une réflexion, d’une recherche personnelle ou d'une démarche réellement spirituelle. On vient au monde avec un potentiel de croyant mais pas avec des préceptes religieux spécifiques; il nous faut les acquérir. Les religions exploitent un animisme congénital. Le psychanalyste C.G.Jung disait "l'âme est religieuse".
Les religions représentent le carburant qui fait marcher l’ego et les civilisations et ne sont autres que des raffineries à mythes et à superstitions ; les états et les sociétés sont des centres de distribution illusoires mais il faut faire avec. Nous allons voir comment trouver de nouvelles voies à donner à notre sensibilité imaginative.
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